Audiovisuel
Product Placement stranger things

Placement de produit dans les séries et longs métrages : du subtil art de la publicité

Dans l’industrie audiovisuelle, le placement de produit est devenu une pratique courante pour les marques souhaitant promouvoir leurs produits auprès d'un large public.

Si le placement de produit connaît un essor fulgurant ces dernières années, il ne date pas d’hier. Les premiers placements de produits remontent à l’époque des frères Lumière en 1895 ! Dans leur court-métrage Evian : Embarquement, on pouvait déjà très clairement apercevoir un panneau publicitaire vantant (vous le devinerez) l’eau minérale Evian.

Dans l'hexagone, quelques agences de placement de produit se partagent désormais un marché évalué à environ 15 à 18 millions d'euros, télé et cinéma confondus. Ces agences jouent un rôle clé en agissant en tant qu'intermédiaires entre les producteurs et les annonceurs, qui doivent établir un contrat de placement de produit. De nombreux métiers se sont d’ailleurs développés sur ce marché, auxquels l'EMIC prépare notamment au sein de sa formation MBA Manager des Industries Audiovisuelles.

Qu'est-ce que le placement de produit ?

Le placement de produit est défini comme toute forme de communication commerciale audiovisuelle consistant à inclure un produit, un service ou une marque ou à y faire référence, en l'insérant dans un programme, moyennant paiement ou autre contrepartie. Cette technique est autorisée dans les œuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles et les clips vidéo, à l'exception des programmes destinés aux enfants. 

Pour les annonceurs, il existe deux façons principales de pratiquer le placement de produit : le "Prop Placement" et la "Brand Integration". 

Le "Prop Placement" 

Le "Prop Placement" consiste à envoyer gracieusement des produits à la production, en espérant qu'ils seront intégrés au décor du film ou de la série. Si la série rencontre un succès auprès du public, c'est une véritable aubaine pour les marques. Un exemple frappant de "Prop Placement" se trouve dans la série "Stranger Things" diffusée sur Netflix. L'obsession du personnage Eleven pour les gaufres a permis à la marque Eggo Waffles d'augmenter ses ventes de 14 % entre 2016 et 2017 ! 

La "Brand Integration"

La "Brand Integration" implique que la marque paye la production pour que son produit soit intégré à la narration. C'est la solution la plus souvent choisie par les annonceurs, car elle leur offre une présence plus remarquée dans la fiction. Par exemple, la série "Emily in Paris" est très plébiscitée par les annonceurs, elle est devenue une véritable vitrine pour les marques de mode.

Dans les deux cas, l'objectif principal est de créer une association positive entre le produit et les émotions véhiculées par l'histoire, dans l'espoir d'influencer les spectateurs et de les inciter à acheter ces produits. 

Les avantages des placements de produits

Le placement de produit offre de nombreux avantages tant pour les annonceurs que pour les créateurs de contenu. 

Pour les marques, c'est une occasion unique de promouvoir leurs produits auprès d'un large public sans être perçues comme intrusives. Cela renforce leur image et leur notoriété grâce à l'association avec des personnages et des univers cinématographiques populaires. Un célèbre exemple est celui du film "E.T.", qui a fait grimper les ventes des bonbons Reese's de plus de 65% à sa sortie.

Pour les créateurs de contenu, les accords de placement de produit aident à compenser les coûts de production élevés des films et des séries, permettant ainsi de financer les projets et de garantir leur réalisation. Bien que cela n'atteigne pas le même niveau qu'aux États-Unis où cette pratique publicitaire peut représenter jusqu'à 30% du budget total d'un film, en France, la présence de marques à l'écran en échange d'argent rapporterait jusqu'à 5% du montant total investi pour produire une œuvre. En outre, le placement de produit peut aussi ajouter une certaine crédibilité et réalisme à l'histoire en intégrant des produits réels dans les décors et les scènes.

La pratique du placement de produit se développe ainsi rapidement, notamment en remplacement de la publicité traditionnelle, qui peut être moins impactante en raison du phénomène de "zapping" publicitaire. D'après Alain Maes, le créateur du Product Placement Impact - un outil permettant de mesurer le retour sur investissement (ROI) d'une marque ayant fait du placement de produit - le placement de produit au cinéma est 4 fois plus rentable qu'un spot télé pendant sa durée de vie. 

De plus, sur les plateformes de SVOD telles que Netflix, les marques peuvent espérer toucher un public très large, y compris les jeunes adultes que la télévision traditionnelle peine à atteindre. Un exemple probant se retrouve dans la série "Emily in Paris" que nous évoquions plus tôt. Le personnage principal fait la promotion de McDonald's comme s'il s'agissait d'une marque de luxe et contribue ainsi à valoriser son image devant des millions de personnes à travers le monde. Avec une moyenne de 49,36 placements de produits par série, comparé à 12,61 placements par film, les marques ont très vite compris l'efficacité de cette stratégie publicitaire !

Comment ça marche ?

Le placement de produit commence généralement par l'identification d'opportunités potentielles dans le script ou le scénario d'un film ou d'une série. Les marques recherchent des productions dont le public cible correspond à leur marché, afin de trouver des occasions où leurs produits peuvent être intégrés de manière fluide et naturelle dans l'histoire.

Une fois ces opportunités repérées, les marques entrent en négociation avec les réalisateurs, les producteurs et les studios de cinéma pour conclure des accords. Ces accords fixent les modalités de l'intégration des produits, les aspects financiers et les restrictions liées à l'utilisation des marques à l'écran.

Un contrat est alors formalisé entre le producteur et l'annonceur, détaillant les conditions du placement de produit ainsi que le tarif convenu pour la prestation. Les coûts peuvent varier considérablement en fonction de divers critères tels que le type de support (film, téléfilm, série, clip), la nature du placement de produit et la fréquence d'apparition du produit à l'écran. Ces opérations publicitaires peuvent représenter des montants allant de 5 000 à plusieurs millions d'euros. 

L’exemple d’Astérix et Obélix : l’Empire du milieu

Elise Turcaud, diplômée EMIC de la promotion 2022, occupe actuellement le poste d'Assistante de coordination production et partenariats chez Pathé Films. D’après son expérience, la clé d'un placement de produit réussi réside dans son intégration harmonieuse à l'image du film et surtout dans sa pertinence narrative. Elle explique : "Sur Astérix et Obélix : l'Empire du milieu, nous avons eu l'opportunité de collaborer avec divers partenaires et d'intégrer différents produits. La puissance de la licence Astérix permet aux marques de bénéficier d'une exposition considérable, tout en leur offrant un moyen unique de communiquer avec leurs consommateurs et prospects, par le biais d'un canal tout aussi puissant."

Dans cette perspective, Pathé Films s'est associé à Citroën pour réinventer la légendaire 2CV, une collaboration d'autant plus significative que la marque automobile et le petit Gaulois moustachu partagent des valeurs d'aventure, d'humour, d'autodérision, et sont extrêmement populaires et indémodables. Cette synergie a donné naissance à un partenariat particulièrement marquant.

Le placement de produit se matérialise à travers le char qui conduit les deux Gaulois en Chine, un véhicule inspiré de l'iconique 2CV, imaginé dans l'histoire par Cetautomatix. La cellule habitable du char reprend largement la forme emblématique du pavillon de la fameuse voiture, recouvert d’une toile de "Lutèce" qui se replie pour offrir un toit ouvrant à Astérix et Obélix. Les deux fauteuils sont revêtus d'un tissu en tartan, les suspensions sont en panse de sanglier, tandis que les phares rappellent les casques gaulois et s’actionnent grâce à des lucioles dopées à la "potion magique". Les dessins des roues renvoient quant à eux à l'univers des boucliers gaulois.

Outre ce placement de produit, d'autres produits emblématiques de la marque de luxe Dior ont également fait leur apparition, notamment le parfum J'Adore, rebaptisé Amphore, et les valises Rimowa, transformées en Rimowus. 

Les acteurs du placement de produit 

Le placement de produit est le résultat d'une collaboration entre plusieurs professionnels : les annonceurs, c’est-à-dire les marques, les producteurs, ainsi que les agences de placement. 

En effet, les opérations de placement de produit ne peuvent pas être réalisées directement avec les producteurs, il est donc nécessaire de passer par un intermédiaire. Ces agences interviennent une fois que le financement du projet audiovisuel est bouclé et que le scénario est finalisé. Quelques mois avant le tournage, elles se mettent à la recherche d'annonceurs potentiels. Par la suite, elles proposent à l'équipe de production plusieurs marques, en fonction du scénario. Aucun chiffre maximum de produits placés n'est défini, car le secteur s'autorégule en tenant compte du contexte, du sujet et de l'histoire du film ou de la série. L'objectif principal de chaque placement est qu'il soit le plus organique et naturel possible dans le récit.

L'essor important de ce type de partenariats a aussi donné naissance à des métiers spécifiques. Par exemple, le rôle d’Elise Turcaud, Assistante de coordination production et partenariats chez Pathé Films, consiste à trouver des partenaires de production pour les films que produit Pathé. Pour cela il faut imaginer dès les premières versions de scénario quelles peuvent être les séquences susceptibles de bénéficier de placements de produit, et surtout identifier les valeurs et les messages du film, pour qu'ils résonnent auprès des marques et que le partenariat ait du sens aussi bien pour ces dernières que pour le producteur. 

En conclusion

Le placement de produit dans les séries et les longs métrages est devenu un outil puissant de communication pour les marques, leur permettant d'atteindre un public large et diversifié de manière subtile et efficace. Pour répondre à cette demande croissante, des formations spécialisées, telles que le MBA Production TV, Digital & Cinéma de l'EMIC, préparent les étudiants à ces métiers en les dotant d'une approche réaliste et en les formant aux pratiques du marché. 

En tant que Directeur de l'agence de publicité Full Frame, spécialisée dans le cinéma et le divertissement, Olivier Doyen intervient par exemple au sein de ce MBA pour aborder les partenariats médias et hors médias. Ces derniers impliquent notamment des collaborations avec des marques, enseignes, fondations et associations. L'objectif est d'amener les étudiants à développer une réflexion structurée pour choisir le bon partenaire, trouver des storytellings pertinents et répondre de manière efficace aux briefs des distributeurs et producteurs de films, tout en adoptant une approche réaliste conforme aux pratiques du marché. À la suite de ce cours, un atelier pratique est organisé autour d'un cas concret : les étudiants reçoivent un brief type et doivent proposer un placement de produit pertinent et stratégique, en expliquant leur démarche de manière argumentée.

Les futurs professionnels formés à l'EMIC sont ainsi mieux préparés pour développer des partenariats pertinents et répondre spécifiquement aux besoins des distributeurs et producteurs de films dès la fin de leur formation.

© EMIC Paris – Emilie Bardalou – 6 octobre 2023