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Salles de concert en France : tour d'horizon

Zéniths, cafés-concert, Arenas, scènes nationales, clubs, salles conventionnées, SMAC, MJC… Les salles de spectacle en France constituent un maillage territorial exceptionnel en Europe, selon une étude conjointe Opale / Fedelima. Ces lieux, dits de « musiques actuelles », se sont d’ailleurs fortement développés en nombre et en taille lors des 30 dernières années.

Derrière ces salles, le secteur tout entier du spectacle vivant est en croissance constante depuis 2010, exception faite bien sûr des années 2020 et 2021 fortement impactées par le Covid. Selon le CNM, 2022 marque d’ailleurs le quasi-retour au niveau d’avant Covid et le secteur reprend clairement sa croissance.

C’est pourquoi l’EMIC a ouvert une section entièrement dédiée aux métiers du Live, au sein de son MBA Manager des Industries Musicales. Cette classe spéciale forme les étudiants à devenir programmateurs, producteurs de spectacle, chargés de diffusion, chargés de communication ou encore assistants de production. Elle est dirigée par Marc Gonnet, fondateur de Delight, une plateforme digitale dédiée aux producteurs du spectacle vivant. Naturellement, la connaissance fine du secteur et l’emphase mise sur l’employabilité de ses étudiants a conduit l’EMIC à construire une formation sur mesure, au fait des besoins des entreprises du secteur. Les étudiants ont par exemple cours à Levallois (Paris) le lundi, afin de leur permettre de passer le restant de la semaine en région pour effectuer leurs alternances dans différentes entités du spectacle vivant comme les SMAC, les salles privées ou encore les Zéniths.

Ces différents types de salles sont d’ailleurs une particularité française et il est parfois compliqué de s’y retrouver. Tour d’horizon.

1. LES LIEUX DU SPECTACLE VIVANT : CONTEXTE HISTORIQUE

Dans les années 1970, les MJC (Maisons des Jeunes et de la Culture) jouent un grand rôle dans la diffusion des « musiques actuelles ».

Selon l’étude conjointe Opale / Fedelima citée plus haut, il faudra toutefois attendre les années 1980 pour que les pouvoirs publics s’intéressent de plus près à ces musiques non classiques ou lyriques. La création de la fête de la musique en 1982 impulsée par le ministre de la culture de l’époque, Jack Lang est bien sûr une mesure phare. Mais la légitimation institutionnelle de ces « musiques actuelles » est aussi passée par la création du Centre d’information du rock et des variétés (CIR), du fonds de soutien chanson, variétés, jazz ou encore de l’Orchestre national de jazz en 1986. Surtout, cette époque voit la naissance du concept des Zéniths, lieux musicaux majeurs du territoire français.

Si les années 1980 ont permis aux porteurs de projets existants de se structurer grâce notamment à des aides au développement de structures, les années 1990 ont, elles, vu des acteurs privés et associatifs se joindre aux collectivités pour créer de nouvelles entités inscrites dans les politiques publiques. À partir des années 2000, on parle même d’une « troisième génération » de lieux qui émergent, cette fois-ci exclusivement mis en place et contrôlés par les collectivités.

Enfin, depuis 2010, l’accent est fortement mis sur les scènes de musiques actuelles, dont le label SMAC est reconnu label d’État depuis 2017 et répond à un cahier des charges spécifique.

Toujours selon l’étude Opale / Fedelima, les structures de droit privé représentent la grande majorité des porteurs de projets de lieux de musiques actuelles. Parmi elles, certaines sont délégataires de service public et exploitent donc un lieu suite à un appel d‘offre, respectant ainsi un cahier des charges précis, visant l’intérêt public. Les établissements publics et régies représentent quant à eu un petit quart de l’ensemble des lieux.

2. SALLES PRIVÉES : « MUSIC HALL », CAFÉS-CONCERT ET CLUBS DE JAZZ

Parmi les acteurs majeurs du secteur : les salles privées donc. Mais cette catégorie représente de nombreuses réalités parfois extrêmement éloignées les unes des autres. Du groupe Paris Entertainment Company, propriétaire du Bataclan, de l’Accor Arena et de l’Adidas Arena, jusqu’au bar associatif le Trois Francs Six Sous dans la commune du Pellerin (44), l’écart est immense. Business models, jauge, programmations, obligations légales, les contextes de travail de ces lieux privés de diffusion de la musique sont multiples.

La plupart du temps, la réalité économique de ces salles est très fortement liée à leurs capacités d’accueil. On note par exemple que les aides venant des communes, représentent une plus grande proportion de recettes pour les lieux pouvant accueillir plus de 800 personnes, en milieu urbain que pour les autres types de lieux. Les aides issues des régions quant à elles représentent un plus grosse source de recette pour les lieux en milieu urbain. (étude Opale/ Fedelima).

Jazz et Music Hall
Le tissu des salles de concert en France doit sa densité essentiellement aux salles de petites et moyennes jauges. L’Olympia, Les Folies Bergères, Le Palace, l’Alhambra, ou encore le Moulin Rouge sont autant de salles datant de l’époque du music-hall, ouvertes entre les années 1890 et 1930 et toujours lieux de diffusion essentiels au secteur. L’après-guerre aura également vu se multiplier les clubs de jazz, à l’instar du Caveau de la Huchette en 1948, lieu mythique du genre. L’association Paris Jazz Club en recense 130 rien que dans la capitale.

Cafés-concert
Aujourd’hui encore les « petites » salles restent primordiales pour le secteur. Ce sont notamment les fameux cafés-concert (anciens « cafés chantants » du XVIIIe siècle), à l’instar du Pop In, de Lou Pascalou, du Supersonic, des Disquaires ou encore du Grincheux à Strasbourg, le Rond Point à Nantes, ou encore le White Rabbit à Marseille. Ces lieux sont donc essentiels non seulement pour la diffusion des « musiques actuelles » mais également pour leur développement car il permettent à de jeunes artistes d’émerger auprès du public.

Pour aller plus loin dans le déploiement de la musique dans les lieux de proximité, à jauge réduite, l’État a même créé en avril 2015 un fond d’aide aux bars, restaurants ou encore hôtels, pour qu’ils puissent occasionnellement diffuser de la musique live. Le GIP Café-Culture a, depuis sa création, soutenu 43 770 spectacles auprès de 3250 établissements à travers toute la France.

3. LES SALLES PRIVÉES À GRANDE JAUGE

Bien que son tissu de salles de spectacle soit densément peuplé de salles à jauges inférieures à 1000 places, la France compte naturellement également de grandes salles, avec des configurations et des programmations qui dictent leurs appellations.

Palais des congrès et centres culturels
Un exemple de lieux privés qui reçoivent également des concerts de manière très régulière : les Palais des Congrès. Comme leur nom l’indique, ils sont avant tout dédiés aux évènements privés d’entreprises : séminaires, conférences… Mais les spectacles et concerts y sont très fréquents et leurs jauges avoisinent souvent les 1000 places assises. C’est le cas par exemple du Palais des Congrès de Perpignan (1067 places), de celui du Mans (1500 places), ou encore de celui de Nice (1500 places).

Arena et Palais Omnisport
En ce qui concerne les plus grosses jauges, souvent au-delà de 10.000 places, il faut se tourner du côté des Arena ou Palais Omnisport. Un exemple typique est bien sûr celui du Palais Omnisports Paris-Bercy, désormais Accor Arena. Ce lieu, avant tout dédié au sport, a été construit et appartient à la ville de Paris mais est sous le parrainage du groupe Accor Hotels, d’où son nom actuel.

« Arena » est d’ailleurs un label, octroyé à plusieurs conditions. Parmi elles : la vocation à héberger au moins 20% d’évènements sportifs, une jauge à plus de 5.000 places (idéalement plus de 10.000) et la possibilité de « naming », c’est-à-dire d’apposer le nom d’une entreprise privée. C’est le cas de la future Adidas Arena, porte de la Chapelle. Mais le naming n’est pas automatique, surtout lorsque la société propriétaire n’est pas forcément connue du grand public. C’est le cas par exemple de Paris La Défense Arena, détenue par la holding Ovalto Investissement.

4. LES SALLES DE CONCERT LABELLISÉES

En cohabitation avec les nombreuses salles privées que nous évoquons, il existe bien sûr en France un certains nombre d’établissements publics dédiés à la musique. Certains bénéficient même d’un statut bien particulier : celui d’« Établissement public à caractère industriel et commercial » (EPIC). La Cité de la Musique – Philharmonie de Paris, au même titre que le CNM, ou l’Opéra de Paris en font partie.

Autres exceptions françaises : les établissements labellisés.

Zéniths
A l’instar des Arena, les Zéniths constituent une catégorie reconnue de salles de spectacle. Ils peuvent accueillir plus de 6000 personnes et on en compte 17 sur le territoire. Celui de Strasbourg est le plus grand du territoire, avec plus de 12.000 places. « Zenith » est en outre un label attribué par l’État via le CNM. Un cahier des charges strict est à suivre pour bénéficier de ce label. Celui-ci précise notamment que les Zéniths doivent :

  • Héberger au moins 70% de concerts, les autres événements culturels ou sportifs ne pouvant pas dépasser 30 %
  • S’intégrer à une politique d’aménagement du territoire
  • Porter le nom de la ville sur laquelle ils sont implantés (« Zénith de Strasbourg »)

Les Scènes de Musiques Actuelles (SMAC)
Autre label : celui des « Scènes de Musiques Actuelles » (SMAC). Il a été créé en 2010 pour accompagner les membre du dispositif du même nom, créé en 1996. Le label est depuis attribué à 92 structures. Pour prétendre à ce label, les lieux de diffusion doivent :

  • Développer un projet dédié à la création, la production et la diffusion de concerts
  • Accompagner des pratiques musicales, professionnelles et amateurs
  • Mettre à disposition des ressources contribuant à la dynamique citoyenne et territoriale

Leur capacité d’accueil n’est pas un critère d’attribution et dépend des territoires sur lesquels elles sont implantées.

Ainsi, les SMAC sont des acteurs essentiels là aussi non seulement de la diffusion des musiques actuelles mais de leurs créations. Résidences, ateliers de formation, accompagnement d’artistes, mises en relations, développement de projet, sont autant de services offerts par ces structures, au bénéfice des artistes et de leur public.

Quelques exemples de SMAC :

  • La Laiterie (Strasbourg)
  • Le Bikini (Toulouse)
  • Stereolux (Nantes)
  • Lieu Unique (Nantes)
  • Krakatoa (Bordeaux)
  • L’Autre Canal (Nancy)
  • La coopérative de Mai (Clermond Ferrand)
  • FGO Barbara (Paris)
  • L’Aeronef (Lille)
  • La Vapeur (Dijon)
  • L’EMB SANNOIS (Sannois)
  • L’Ubu (Rennes)
  • Le Chabada (Angers)
  • File 7 (Magny le Hongre)
  • Le Forum (Vauréal)

Scènes nationales et scènes conventionnées
77 salles en France font partie du réseau des « scènes nationales ». Le Ministère de la Culture leur confère trois champs de responsabilité parmi lesquels la diversité artistique, l’aide à la création et la valorisation du territoire. Si la plupart sont des théâtres, certaines scènes nationales proposent également des programmations musicales en musiques actuelles.

Autour de ces lieux labellisés, l’État renforce son soutien à la création et à la diffusion du spectacle vivant via l’appellation « scène conventionnée d’intérêt national ». Cette appellation, donnée pour une durée de 4 ans, récompense trois sortes d’initiatives de la part des lieux : la diffusion auprès de jeunes publics, la mise en avant de formes artistiques trop peu représentées ou encore l’implantation dans des territoires où l’offre culturelle est trop faible. Font partie de la liste, en 2023, des salles comme les Cuizines à Chelles, du Grant T à Nantes, ou encore l’Astrada à Marciac.

5. LES LIEUX ISSUS DE COLLABORATIONS « PUBLIC-PRIVÉ »

Les lieux que nous avons pu citer tout au long de cet article sont généralement détenus par les collectivités ou l’État ou alors par des sociétés privées. Mais comme nous l’avons vu précédemment, depuis les années 1990 de nombreux projets voient le jour grâce à des collaborations entre communes, départements ou régions et des porteurs de projet privés.

Plusieurs formes de partenariats régissent ces collaborations et nous en avons déjà cité quelques unes.

Il existe par exemple les « partenariats publics-privés » à l’instar de celui qui régit la Seine Musicale, propriété du Département des Hauts-de-Seine, en partenariat avec les entités privées STS Evénements, TF1 et Sodexo Live!

Autre forme de collaboration : la délégation de service public, où un territoire délègue la gestion et l’exploitation d’un lieu à une entité privée. C’est le cas par exemple du Silex à Auxerre qui appartient à la ville, mais est géré par l’association Service Compris. Idem pour Le Liberté à Rennes, qui appartient à la ville, mais est exploité et géré par la société Citédia.

Enfin une autre forme de mise à disposition de lieux publics à des entités privées est l’occupation temporaire du domaine de l’État. L’exemple le plus parlant est celui de la Salle Pleyel, appartenant à la Cité de la musique, qui a donné la concession de la salle pour quinze ans au groupe Fimalac.

CONCLUSION

Le tissu de salle de concert en France est donc très dense et les pouvoirs publics mettent un certain nombre de moyens en place pour soutenir l’ancrage territorial, la création, la diversité et l’accès aux musiques actuelles. Mais la force de notre territoire fait aussi sa complexité, avec de nombreuses spécificités qui rendent la lecture du secteur parfois délicate.

L’EMIC travaille donc de concert avec les professionnels et les entreprises du secteur afin de former de futurs professionnels à faire de leur passion leur métier. La formation Manager des Industries Musicales – Spécialisation Live, les forme ainsi aux enjeux de ce secteur riche et diversifié que nous avons la chance de connaître en France.

Si vous êtes vous-même une entreprise du secteur et souhaitez recruter des étudiants en alternance, nous vous invitons à créer un compte sur notre plateforme dédiée. La période de recrutement se fait de décembre à fin juillet.

© EMIC Paris – Marion Duchemin – 29 juin 2023