
Tendances et enjeux économiques du secteur musical en 2018
A l’EMIC, notre équipe pédagogique est constituée uniquement de professionnels tous en activité et experts dans leur domaine. Avec eux, nous échangeons sur les mutations et besoins en formation de la filière. Afin d’assurer l’acquisition par nos étudiants des compétences-métiers correspondant aux besoins de la filière, nous leur rappelons régulièrement les enjeux économiques du secteur. Puis, chaque année, nous nous plions au petit jeu des prévisions et des « tendances ».
Pour 2018, voilà donc un extrait de nos « TENDANCES et ENJEUX ÉCONOMIQUES DU SECTEUR MUSICAL 2018 ». Cette année, nous en avons listés 15 : ci-dessous le résumé des 6 premières que nous développerons avec les étudiants durant l’année.
L’âge de l’accès : Année 3
Croissance du marché dopé par la croissance du streaming, et cela va continuer en 2018 avec une progression de l’ordre de 25 à 30%, Le marché du digital, qui représente déjà plus de la moitié du marché sur le premier semestre en France, va continuer sa progression. Sur les 6 premiers mois de l’année aux Etats-Unis, le streaming a montré une croissance de +60%.
Même si le mois de décembre a vu une hausse sensible des ventes de CD avec le double effet de la mort du rocker national et les ventes « cadeaux » de Noël, le support physique va inexorablement continuer sa chute.
Pour rappel en France, les derniers chiffres publiés – ceux du premier semestre 2017 – montraient une croissance de 26% pour le streaming. Pour rappel nous analysions ces chiffres ici. Dans le monde le streaming a progressé de +60% en 2016.
Il est fort à parier que le marché de la musique dans sa globalité va progresser grâce au dynamisme des cinq plus gros marchés (Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, Allemagne, France) mais aussi grâce au fort potentiel de développement du streaming en Chine (et son géant Tencent qui vient de conclure une participation croisée avec Spotify) et en Inde. L’Afrique représente, dans les prochaines années, une double opportunité : celle d’un continent dont les pays s’ouvrent à l’écoute de musique – via toutes sorte d’abonnements mobiles – mais aussi un continent dont toute la musique va pouvoir s’exporter désormais dans le monde entier.
Streaming : l’enceinte connectée rend-elle le mobile obsolète pour l’écoute de musique ?
2017 a vu l’arrivée en France d’Amazon et son service d’abonnement en streaming. Amazon ambitionne avec son enceinte ECHO de changer la donne comme nous l’expliquions ici.
La reconnaissance vocale reconfigure le panorama de l’ensemble des intervenants de la distribution de musique numérique. Avec les enceintes connectées et leur reconnaissance vocale, Amazon, Google, Microsoft et demain d’autres se lancent dans une course pour détrôner le mobile comme l’appareil « lecteur » de musique de référence.
Nul doute qu’Amazon et Google vont continuer à proposer un abonnement en streaming inclus pour tout achat d’une enceinte connectée. Ne pouvant lutter contre la suprématie des smartphones et des systèmes d’exploitation Apple et Android, le « bundle » Abonnement-Enceinte connectée avec reconnaissance vocale est un bon cheval de Troie pour reconquérir les clients « musique ».
Les Musiques Urbaines dominent
Les musiques dites « urbaines », c’est à dire le rap et ses différents courants, sont désormais le genre majoritaire dans les ventes de musique en France, juste devant les musiques électroniques.
Même si la chanson française, la pop internationale et le rock sont des genres majoritaires dans les ventes physiques, la musique urbaine domine de très loin le marché de la musique numérique, segment qui représente plus de la moitié des ventes de musique. Avec la domination du streaming et d’un modèle reposant sur l’écoute et non sur l’utilisateur, ce genre va continuer à « ultra-dominer » les classements du streaming. En 2017, les succès de Damso, Nekfeu, Niska, Jul, PNL, Orelsan et bien d’autres le prouvent.
Aux Etats-Unis, selon Nielsen qui mesure les ventes et les streams, le Hip-Hop/R&B représente 25% de la consommation de musique ce qui est en fait le premier genre musical devant le rock qui représente 18%. Toujours aux Etats-Unis, ce genre représente 65% des 8,2 Milliards de streams comptabilisés par Nielsen en 2017.
Concerts et Festivals : la croissance continue
Comme le souligne les rapports du PRODISS, le live est de nouveau en pleine croissance en 2017 et le public se rajeunit. Le marché se concentre autour de gros acteurs comme LiveNation, Fimalac, AEG, Lagardère Live Entertainment ou Matthieu Pigasse – qui a racheté le festival Rock en Seine – qui concurrencent désormais les indépendants.
Le succès de la première édition de Lollapalooza, organisé par LiveNation en Juillet dernier à Paris, ou l’augmentation de +20% du festival indépendant We Love Green, montrent encore une fois la dynamique du secteur.
YouTube : le talon d’Achille de l’industrie musicale ?
YouTube va lancer son service d’abonnement payant, sous le nom de code REMIX ! On se questionne toujours sur les intentions de YouTube avec ce service sachant que Google a déjà Google Play Music et YouTube avait échoué avec un tel service payant lorsqu’ils ont lancé YouTube Music Key (2014) puis YouTube RED (2015).
L’industrie musicale a du mal avec son monstre gratuit, première destination pour l’écoute de musique en France et dans le Monde (à part la Chine bien entendu qui a développé Baidu, son propre concurrent à YouTube). YouTube se protège derrière son statut d’hébergeur, statut élaboré au début des années internet et désormais obsolète puisque YouTube est clairement un « éditeur » proposant un service d’écoute et de playlists qui concurrence les services de streaming payant.
A l’heure où Universal signe un nouvel accord avec YouTube pour la rémunération des vidéos et des enregistrements, on se questionne donc sur le temps et les actions nécessaires pour faire évoluer la loi et détrôner YouTube de son statut d’hébergeur.
En France : soutien à la production musicale et création d’une maison commune
Fin 2017, le parlement a adopté la prolongation du crédit d’impôt à la production phonographique pour 2018, mais il s’agit seulement d’une année supplémentaire quand la filière souhaitait un renouvellement pour trois ans. Nous attendrons donc cette année 2018 pour savoir si cette mesure pourra être maintenue jusqu’à 2020 ou 2021. A noter que le crédit d’impôt phonographique est une des mesures majeures des pouvoirs publics pour venir en aide aux petits, moyens et gros producteurs français dans un contexte de relance de marché.
D’autre part, 2018 verra peut-être le projet de « maison commune de la musique » annoncé par Françoise Nyssen, Ministre de la Culture, aboutir ? Cette « maison commune » aurait cinq missions : l’observation, l’information, la formation, le développement international et le soutien économique à la filière, et pourrait participer, selon le rapporteur Mr Roch-Olivier Maistre, « d’une nouvelle ambition pour la politique musicale, après les deux phases fondatrices qu’ont constitué les années 1960 et les années 1980 ».
Vers un « CNC de la Musique » ?