emily gonneau interview

3 questions à : Emily Gonneau, Auteure et Directrice de l’agence Nüagency

Emily Gonneau est co-fondatrice et directrice de Nüagency, une agence de communication digitale et organisme de formation pour accompagner et former des artistes, salles de spectacle, festivals dans leurs pratiques digitales. Elle répond à nos questions.

img_0828Bonjour Emily, pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?

J’ai commencé à travailler dans l’industrie musicale chez EMI au siège Europe Continentale à Londres avant d’arriver chez Capitol France en tant que chef de projet. Au bout de 4 ans en label, je suis partie monter ma propre société de management d’artistes et d’éditions musicales, Unicum Music, que j’ai toujours. D’ailleurs: je lance bientôt le le label ! Entre temps, j’ai ouvert le bureau Europe de Joe D’Ambrosio Management (agence de management de Tony Visconti et Jay Newland, pour ne citer qu’eux) et ai co-fondé Nüagency, une agence de communication digitale (et organisme de formation) pour accompagner et former des artistes, salles de spectacle, festivals et de nombreux acteurs culturels dans leur mise à profit du web pour leurs projets et missions. J’enseigne également à La Sorbonne (Paris IV, Paris III et Sorbonne Abu Dhabi) depuis 2013 et suis associée chez MyOpenTickets, le cluster de la filière billetterie en France, depuis 2014. Il y a quelques mois, j’ai publié un livre aux éditions IRMA : « L’Artiste, le Numérique et la Musique ». Mener tout cela de front aboutit a des journées bien remplies mais tout à fait passionnantes.

Quels conseils donneriez-vous un jeune qui veut travailler dans le secteur de la musique ?

Le milieu de la musique était traditionnellement un milieu d’autodidactes : il n’y avait pas de formations dédiées à ces métiers, chaque personne y évoluant avait un parcours tout à fait unique, ce qui avait l’avantage de faire travailler ensemble des personnes aux points de vue très différents. Aujourd’hui, le contexte et le paysage ont tellement changé qu’il est vraiment recommandé de passer par une formation professionnalisante comme celle de l’EMIC, qui permet de gagner un temps précieux (il y a beaucoup de choses à connaître tant du point de vue juridique, économique et artistique) et se constituer un bon réseau professionnel, que ce soit auprès des profs et intervenants que des étudiants de son année.
Une question qui revient souvent de la part des étudiants : comment faire pour décrocher ses premiers stages ? Ce à quoi je réponds systématiquement :
1/ le stage ne sera plus facile à obtenir que si on a déjà une expérience, donc il faut commencer dès que possible, le plus souvent avec les personnes de son entourage qui ont besoin d’aide, même sur des projets modestes
2/ lorsque vous candidatez, ne vous en tenez pas seulement à ce que vous voulez apprendre : les recruteurs veulent savoir ce que vous pouvez leur apporter
3/ dans le prolongement de la question précédente : ne sous-estimez pas la valeur de votre jeunesse et votre regard neuf sur le business…

Vous êtes l’auteure d’un ouvrage de référence (« L’Artiste, le Numérique et la Musique »), pouvez-vous nous expliquer les grands enjeux de l’artiste et du numérique aujourd’hui ?

Le numérique a fait disparaître les contraintes de format ou de place limitée pour émerger et permis une accessibilité plus grande du public aux artistes. Mais l’impact s’est amoindri pour chaque retombée média. En conséquence, les artistes doivent privilégier le temps long pour présenter leur univers et développer leur relation avec les fans, ce qui est assez contre-intuitif par rapport au sentiment d’immédiateté que procurent les réseaux sociaux. Le développement de carrière n’est plus ponctuel, sur des périodes courtes généralement liées à une sortie d’album, il est désormais permanent et plus diffus. Il faut donc arriver à recréer des temps forts qui sont considérés comme une ‘actu’. C’est une approche stratégique totalement différente.

Qu’est ce qui est important selon vous dans la pédagogie digitale aujourd’hui ?

La pédagogie vis-à-vis du digital, c’est de mettre en perspective que ce ne sont que des outils, merveilleux certes, mais toujours des outils qui doivent rester au service des artistes, leur vision et leurs projets artistiques. Les choses bougent tout le temps : l’écueil est de perdre de vue ses objectifs ou, pire encore pour les artistes, d’inverser le processus en commençant à créer en fonction d’une croyance en l’efficacité de tel ou tel format ou en vue de tel ou tel résultat. Pour les étudiants qui aspirent à travailler auprès d’artistes, il faut aussi s’intéresser à la stratégie de développement des grands acteurs du numérique aujourd’hui, car ce sont des mastodontes dont les objectifs ne convergent pas toujours avec ceux des artistes et dont la position sur bien des sujets (dont la valeur de la création) a un impact réel sur la capacité pour des artistes de vivre de leur musique, et par ricochet, celle d’une industrie de perdurer et prospérer, avec tous les emplois à la clé que cela implique.

Photo © Ally Pitypang